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Echos: Un petit carnet noir, une plume... et la souffrance de Rei

Auteur: Mariko Shinobu
Genre: Dark

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Encrée en moi, mélancolie...

J'aime la noirceur de l'encre.

Elle seule sait reflèter, dans les mots que je couche sur le papier, toutes les ombres mortes en mon coeur, sans même avoir à les lire.

Je peux me noyer dans une tâche comme dans un néant infini. Les pensées que j'écris couvrent cette page de petits cimetières où elles errent entre les lettres dressées comme des tombes.

Maintenant que j'ai commencé à te souiller de ma plume sombre, petit cahier, je crois que je ne pourrais jamais m'arrêter. Même quand je t'aurais complètement enseveli sous mes peines, j'irais les tracer sur les murs, sur les arbres, sur le ciel, et le monde deviendra aussi noir et triste que moi.

Fukiko

Fukiko

...

Fukiko

Si seulement je pouvais t'effacer de mon existence aussi facilement que je raye ton nom sur ce bout de papier...
Ces mots que tu ne verras jamais te surprennent peut-être, grande soeur, mais j'ai besoin d'écrire ma haine envers toi.

Toi que je chéris plus que tout.

Je croyais connaître tous tes secrets, je croyais rester toute ma vie blottie dans tes bras... et je croyais exister pour toi.

Mais je n'ai jamais été qu'un petit jouet de verre, transparent et fragile. Tu m'as prise pour pouvoir être la seule à me détruire.

Oui tu m'as brisée, et le plus cruel est tu m'as refusé la mort. Les éclats de mon coeur m'ont déchiré de part en part, ne laissant de moi que souffrance.

Trois ans. Déjà trois ans d'agonie, seule, abandonnée, sans même pouvoir me défaire des chaînes qui me rappelle à toi.

Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko Fukiko...

Je transpercerais ton nom aussi longtemps qu'il le faudra pour te tuer, petite grande soeur. Cette plume est mon poignard et quand je t'aurais anéantie, je n'aurais plus de raison de vivre...

Je te tuerais, je te tuerais.

Je m'acharnerais sur ton cadavre d'encre jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une masse informe, méconnaissable, noire et laide.

Je te tuerais, je te tuerais.

Pour tarir mes larmes, pour oublier que j'ai mal.

Je te tuerais.

Parce que je t'aime.

Demain j'arracherai cette page.

L'Horloge

Au quatrième top, il sera exactement une heure sept minutes et trente-trois secondes...Au quatrième top, il sera exactement une heure sept minutes et quarante secondes... Au quatrième top, il sera exactement...


"Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit: souviens-toi!
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible.

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse
Chaque instant te dévore un morceau du délice
À chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote: souviens-toi! - rapide, avec sa voix
D'insecte, maintenant dit: je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde!

Remember! souviens-toi! prodigue! esto memor!
( mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or!

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup! c'est la loi.
Le jour décroît; la nuit augmente; souviens-toi!
Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encore vierge,
Où le Repentir même (oh! la dernière auberge!),
Où tout te dira: meurs, vieux lâche! il est trop tard!"

(Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal)


Au quatrième top, il sera exactement une heure huit minutes et deux secondes...

Angoisse

J'ai peur. Je me sens comme écrasée par la nuit. Elle pèse dans ma poitrine et chaque respiration est une brûlure. Mes yeux sont incapables de se fermer. Ils fixent le plafond dans l'obscurité qui tombe sur moi. J'ai le vertige. Le monde glisse sous moi comme s'il faisiat naufrage, malmené par les vagues des ténèbres. Oui c'est comme si je me noyais, mais que la mort ne venait pas. Je l'attends, mais le temps ne s'écoule plus, la nuit dure, encore... et encore. Je pleure. j'ai besoin de pleurer. Je veux que quelqu'un vienne près de moi pour me consoler. Maman... S'il te plaît, fais que ça s'arrête... Maman... Je veux que ça s'arrête... que ça s'arrête!

Fond Sonore

Dans ma tête résonne les coups sourds d'une mélodie à l'agonie.

Ce sont les notes violentes et rapides que tu arraches aux cordes de ton piano, c'est mon coeur, écrasé et meurtri sous tes doigts, ce sont ces croches noires qui s'enchaînent sans fin sur la partition de mon existence, c'est cette mélodie folle dans le silence qui ne me laisse aucun répit.

C'est mon fond sonore, ce rythme infernal auquel bat mon coeur, jusqu'à en exploser...

Ma Chérie la Poupée

"L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn."

Victor Hugo, La Légende des Siècles


Pourquoi ces yeux réprobateurs, petite poupée? Dans ma prison de reflets, ton air fâché se multplie à l'infini, implacable, oppressant.
S'il te plaît, ne me gronde pas. Je sais que je ne suis pas une gentille fille, mais je suis si triste parfois.
Sur tes genoux, pose ma tête et berce-moi. Dans ton giron, efface mes peines et réchauffe mon coeur.

Dis-moi que tu me pardonnes, ton regard est si dur.
Je ne sais pas ce que j'ai fait de mal, mais je serais sage, petite poupée, je ne te désobéirais plus.

Mais garde-moi juste un peu entre tes bras, enveloppée dans ton amour... Je serais sage... Garde-moi juste... pour toujours...

Res, rei

Res, rei (n. latin, 5ème déclinaison): une chose

res, res, rem, rei, rei, re, res, res, res, rerum, rebus, rebus...

Il Pleure dans mon Coeur...

Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits!
Pour un coeur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie!

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi! nulle trahison?...
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine!

(Paul Verlaine)

L'Oiseau Mort

Il était là sur le rebord de la fenêtre, petite boule de plumes grises, silencieuse et inerte.

Un oiseau mort.

Il était posé sur le côté, tranquille, son oeil minuscule et vide fixé sur moi. Son bec était clos. Il n'avait pas crié, il n'avait pas essayé de fuir la mort, s'épargnant le ridicule de ces oiseaux qui tombent les ailes en croix et les pattes en l'air.

C'était un oiseau des villes qui avait pris leur grisaille à jouer les funambules sur les lignes électriques, les anges des rues, fragile, brisé et libre.

Il était mort de s'être trop envolé, la fatigue écrasant ses ailes et le froid mordant son coeur, peu à peu.

Il était beau, son pauvre petit corps doux et glacé dans ma paume.

Ce qui bat dans ma poitrine, c'est lui, c'est un oiseau mort, un être détruit, qui ne pourra jamais plus voler.

Je suis allée l'enterrer sous mon arbre dans le parc. Je me sentirais moins seule.

De l'Autre Côté du Miroir

De l'autre côté du miroir, quelqu'un, un visage prisonnier me lance de muettes suppliques.

C'est une vision spectrale, bleuie de tristesse, irréelle, un sourire mort dans les tranchées des larmes, des yeux anonymes qui répondent aux miens, des cheveux qui mèlent leurs arabesques dorées à celles du cadre, des traits trop vieux d'avoir vécu dix-sept années.

A l'intérieur même du reflet, le miroir est brisé, ses éclats comme des épines dans sa chair.

On dirait une statue qui pleure, inconnue à elle-même, errodée par la souffrance et seule, si seule au milieu de la foule qui la regarde sans la voir.

Je déteste cet être d'être moi.

Un Réverbère, la Nuit

Quand je vagabonde dans les rues noires, un réverbère, la nuit, c'est un projecteur mourant sur ma tragédie.

Les réverbères sont mes compagnons de solitude. Lucioles perdues, clignotant au milieu des ténèbres, là où l'ombre ronge la lumière, leur détresse répond à la mienne.

Peu à peu ils disparaissent, me laissant aveugle et vulnérable, dans un monde qui n'est plus. Ils sont les espoirs qui s'éteignent en mon coeur comme un ciel vide d'étoiles.

Il ne restera rien dans l'obscurité.

Prose Clope

Cigarette, allégorie du temps qui passe, de ma vie qui se consume...

Je voudrais comme toi vivre à ses lèvres, quand mon être tombe en cendre, fantôme dans le vent. Elle brûlera mon coeur sans pitié, moi le mégot gisant à ses pieds, pour une promesse d'enfant, une chimère oubliée.

Cigarette, verrais-je cent fois ma triste mort se résumer à travers toi... que cela ne suffirait pas à me tuer.

La Métamorphose

Je suis un cafard. Un être répugnant, indésirable, que l'on a enfermé dans une chambre sombre pour ne plus avoir à en supporter la vue.

La Métamorphose est ma biographie, mon cauchemar.

Misérable et inhumaine, je ne sais comment je survis, rampant dans la poussière et les ténèbres. Et j'entend au loin ma soeur et son violon qui expire cette mélodie, cette mélodie si belle que je voudrais la toucher. Encore et encore je n'ai que cette consolation.
Kafka si je sors... ils me verront.

Je Rembobine

Trop tard. Oui trop tard.

Je rembobine. Je suis le fil de mes erreurs à l'envers, ma vie n'est plus qu'un contre-sens.

Je régresse, loin dans le passé, loin de toi, ma soeur, je retourne vers ces temps presque irréels où tu n'existais pas dans ma tête... dans mon coeur.

Je fuis ta rencontre. Et tout, tout ce que tu m'as dit. Tu m'as prise par ma définition latine, comme un truc, un machin quelconque, rien de très important, et même si tu t'étais doutée qu'il y avait une ame à l'intérieur... qu'est-ce que cela aurais pu te faire?

Oh tu n'auras sûrement pas de peine! Tu ne seras pas là, pleine de regrets, à te précipiter sur le bouton pour arrêter la marche arrière. Comme si je pouvais encore revenir...

En vérité je ne sais même plus si ces mots je les écrit ou s'ils courent dans ma tête parmi les fragments de réalité qui y subsistent encore. J'ai déjà commencé à partir. Le fait que ma main bouge encore doit être une abhérration de ce qu'il reste de mon existence. La logique voudrait que je m'arrête...

Et puis je suis fatiguée...

Je crois que...

Maintenant c'est fini...

Epilogue

Ici s'est arrêté ce carnet. Deux jours plus tard, le corps de Rei fût découvert par ses amies, inerte, dans sa chambre. Elle s'était suicidée. Overdose d'anti-dépresseurs qui n'avaient pu noyer son désespoir.

Sa soeur, contrairement à ce qu'elle avait prédit, souffrit. Mais cela ne fut pas un réconfort pour Rei, de là où elle était, ni pour personne d'autre. Elle seule pourrait encore entendre l'écho de ces mots, ces mots qui avait détruit une vie, après l'avoir rongée jusqu'à l'âme.

Ce carnet, retrouvé aux côtés de Rei, seul à l'avoir accompagné dans la mort, quand elle lui adressait, à peine consciente, ces dernières phrases tremblantes sur le papier, fut déposé sur sa tombe.

Il pleuvait, et lui laissait ses larmes d'encre sur la pierre...

FIN

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