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Aya Misaki a une Touche!

Auteur: Sandy
Genre: Comédie Romantique

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Chapître 1

Il y a des méchants dans toutes les bonnes histoires, pas vrai ? Et puis, il faut bien que les méchants soient là, ils sont très importants, sinon, eh ben sinon, il manque quelque chose. C’est clair, c’est comme cela, et ça ne s’explique pas. Si y’a pas de méchants, on a l’impression que c’est pas encore ça. Et on se dit : mais c’est bien sûr, c’est qu’il manquait un méchant !

N’est-ce pas que c’est vilain ? Hein, avouez. Et pourtant, c’est vrai, on se surprend dans ces mauvaises pensées, et tous les jours même. On est pas si gentils, tous autant que nous sommes, ce doit être pour ça.

J’imagine que même dans le Ciel, si on avait la chance d’y monter, plutôt que de s’ébattre sur les nuages, en chantant notre félicité, on choisira ce qui est moins convenable. On s’avancera à l’extrémité du nuage et on regardera en bas. On verra les gens de la terre, et sans doute, il y aura bien de quoi en avoir des fous rires, c’est bien plus divertissant, hein ? Car ils se font du mal entre eux tous ces gens. On a tout le temps de réfléchir à ces choses, puisque c’est toujours magnifique dans l’éternité. Mais ici-bas, il y a des méchants, et des méchants de toutes sortes.

Au demeurant, on s’intéresse surtout à une méchante. C’est une jeune fille. Oh si jeune ? une fille, dites-vous, et déjà méchante ? Mais oui, et pour ce qui est de son degré de méchanceté, déjà fort avancé, nous aurons tout loisir de nous en faire une idée, puisque c’est l’héroïne de notre histoire.

Cette méchante s’appelle Aya Misaki. Elle entre dans sa quinzième année, et c’est une élève du lycée Seiran.
Quinze ans, on a beau dire, mais bien des choses sont formées à cet âge. En se projetant de quelques années en arrière par exemple, on finit toujours par se ressembler quelque part. Et même si cela se fixe mieux plus tard, on trouve toujours son ébauche à cet âge. On se reconnaît un peu, même si on se construit tous les jours. Mais à quinze ans, Aya était déjà plus que son ébauche, c’était une méchante. Cependant, à sa décharge, on disait qu’elle avait de qui tenir.

Voyons donc son père, si cela peut lui donner des circonstances atténuantes. Monsieur Misaki est un très grand avocat, et signe particulier, il fait peur. C’est la terreur du barreau, et en même temps, la plus grosse pointure en affaires criminelles. Dans le milieu, il est réputé dans tout le pays.

Tous les yakuzas le connaissent, c’est dire.
C’est celui qu’on appelle lorsqu’on est pris la main dans le sac, quand c’est sans espoir, et lui, il désespère ses clients - par ses gages. Hi, hi ! Mais comme c’est l’avocat des causes désespérées, ça se comprend. Tout bien considéré, les criminels finissent toujours par se demander s’il aurait mieux valu de ne pas commettre le délit, par simple économie. Mais ils se le disent toujours après, quand ils font passer l’argent de leurs poches à celles de Monsieur Misaki.

Mais c’est tout bénéfice, car Monsieur Misaki, il les a défendus ces types-là, sans distinction aucune, il n’y regarde pas de si près, allez, pourvu qu’on paye, il fait régner la justice, hum, hum ! plutôt la jurisprudence du plus fort, en l’occurrence du plus offrant.

Mais chose plus incroyable, il les a tous tiré d’affaire ! Oui, aussi blancs que neige, qu’ils s’en sortent tous. Tout ce ramassis de gens corrompus, ces requins pleins de vols et de rapines, aussi blancs que neige au jour du verdict, oui, je vous dis. Quel talent, ce papa Misaki ! Il a pas son pareil pour rendre tout blanc ce qui est tout noir. Et pour ce qui en est de la mère d’Aya, holà, halte ! Pas de précipitation. Car il n’y a pas de circonstances atténuantes pour Aya. Madame Misaki, c’est tout autre chose. On peut dire tout le mal qu’on veut de Monsieur Misaki, mais pour ce qui est de sa femme, ce serait pure calomnie. Non, il ne faut pas tout mélanger.

Madame Misaki était le jour comme Monsieur Misaki était la nuit. On peut bien s’arrêter un moment sur le jour, s’il vous plaît. Car rien n’offre de plus beau contraste, et c’est plus impressionnant encore de voir ces deux-là mari et femme.
Les extrêmes s’attirent, on le dit, eh bien, on en trouve ici l’exemple.

Il y a un tableau magnifique dans leur chambre qui explique tout. On y représente un cygne. Et voilà ce que ça veut dire : Madame Misaki ressemble à un beau cygne que l’on contemple du bord de l’eau. Le tableau commandé par Monsieur pour l’anniversaire de Madame prouve en l’occurrence qu’il n’est pas si dépourvu de goût, pour être si féroce, Monsieur Misaki. Sans doute, Madame Misaki ne vole pas dans le ciel, pas encore, mais on sent qu’elle est toute prête de le faire, on en douterait pas une seconde, tant on se dit quelquefois que des ailes vont lui pousser.

C’est non seulement une dame, mais une grande dame.
On l’aime plus encore qu’on ne l’admire. Et cela tient à un je ne sais quoi de mystérieux en elle. Bien sûr, on peut toujours parler de ses qualités, mais cela ne donnerait pas d’explication franche.

Mme Misaki a de la naissance, du goût, de la beauté, elle est gentille, quoiqu’il serait plus poétique de dire qu’elle a une belle âme. Mais cela ne suffit pas.
On peut ajouter qu’elle va à toutes sortes de soirées très chics, soirées dont elle fait l’ornement, qu’elle préside à tout plein de bonnes œuvres, qu’elle donne en faisant tinter les écus ; mais ce n’est jamais là que son côté mondain.

Elle doit avoir un côté plus caché, Mme Misaki, et d’ailleurs la vraie générosité est secrète. Et Madame Misaki est généreuse. Peu de gens la connaissent sous son jour le plus retiré, son mari l’ignore, ou feint de l’ignorer, et cela vaut mieux ainsi, quant à Aya, on n’en sait trop rien, si ce n’est qu’Aya admire sa mère plus que tout au monde. Mais Mme Misaki a tout de même quelques défauts, des péchés mignons si l’on peut dire, et qui tiennent surtout à ce qu’elle a de plus mondain. C’est là un trait qui lui vient de son enfance, de son adolescence plus exactement, car c’est une chose qui marque presque à vie pour une fille que d’avoir été membre du Cercle de la Rose.

Ce n’est pas qu’elle s’en souvienne avec une si grande joie, mais c’est une période de sa vie qui, en tenant à la fois de l’enfance et de l’âge adulte, lui faisait porter un regard adouci sur ses années d’accomplissement, miroitant toute une foule de souvenirs dont le Cercle de près comme de loin avait toujours une influence sensible.

Et en considérant sa réussite, réussite conjugale, réussite en sa fille, réussite domestique et mondaine, comblée en tout point, si le motif de son bonheur pouvait se dessiner dans le tapis, Madame Misaki croyait y reconnaître le petit palais de Seiran, celui uniquement réservé aux membres du Cercle, et dont elle avait eu la privauté.

Ce n’est pas sans une pointe d’orgueil qu’elle en parlait à Aya, et peut-être que, sans le vouloir, à mesure qu’elle grandissait en années, tout involontairement, mais volontairement quand même, Madame Misaki voulait en faire « une Rose ».

Oui, comme toute grande lady, elle aurait voulu que sa fille entre à Seiran, comme elle, et qu’elle soit admise au Cercle de la Rose, comme elle.

Cependant, si c’était-là l’espérance de Madame Misaki, il en avait été tout autrement pour son mari. On s’en doute, Monsieur Misaki avait voulu un garçon, du moins il l’avait voulu au départ.

Se souvenant lui aussi de ses années lycéennes, il se faisait des romans pendant la grossesse de sa femme, mais des romans d’une toute autre facture. C’était beaucoup plus bruyant et dynamique. Mais on y trouvait le même cachet que chez sa femme : leur enfant devait s’imposer.

Mais cet enfant pour Monsieur Misaki était un garçon, et il échelonnait sa vie depuis sa naissance jusqu’à ses vingt ans.

Tout était tracé, ce que ferait son fils à tel ou tel âge. Et ce tracé avait un air de ressemblance avec ce qu’il avait été lui-même.
Lorsqu’il mordait dans sa madeleine proustienne, papa Misaki n’avait rien encore de cette bête féroce qui tonnait dans le tribunal, qui effrayait tout le monde, en maniant le verbe comme Oscar manie son épée, non, il était agressif sans doute, mais il mettait toute cette agressivité dans le sport, dans le base-ball.

C’était le roi du home run, papa Misaki.

Bien entendu, son fils, il l’aurait envoyé à Meisei, c’était le nom de son ancien lycée, et il aurait visé le Kôshien, comme lui en avait ramené le titre.

Plus tard, il se serait lancé dans la haute magistrature. C’était plus sûr, car il ne comptait pas le rendre aussi noir que lui, non, un seul dans la famille, c’était assez. Il se trouvait d’ailleurs assez de noirceur, Monsieur Misaki, pour garantir la pureté de son enfant, de tous ses descendants jusqu’à la troisième génération.

Une lueur de déception passa donc sur son visage quand Madame Misaki donna naissance à une fille. Le château de cartes de ses espérances s’effondra. Mais alors, alors, quand on lui présenta ce petit bout, tout mimi, qui s’ébattait en criant sa venue au monde, son cœur tout nouveau de père se gonfla d’une émotion violente et soudaine.

Cette bonté pure qui gît en chacun de nous, des tréfonds, surgît à la surface. Il était bouleversé.

Personne ne l’avait jamais vu comme ça Monsieur Misaki, et Madame Misaki, la première, n’oublia jamais ce moment. C’était un trésor qu’elle ajoutait à son âme.

Et peut-être qu’inconsciemment c’était cette lumière qui luit au fond des ténèbres qu’elle avait discerné en faisant sa connaissance, qui sait ? Car il n’avait rien du prince charmant, Monsieur Misaki, mais plutôt l’air du dragon qui lui était opposé.

Ce n’était pas avec sa batte de base-ball qu’il maniait pour écarter tous les soupirants, qu’il s’était distingué, ça non. Mais qui connaît les mystères de l’amour ?

Mais là, c’était plus fort que lui, cela l’inondait de partout, Monsieur Misaki. Il en étouffait de bonheur. Sa déception disparut tout comme la chimère prise pour une espérance disparut à la lumière de la vérité. Et la vérité, c’était ce beau bébé, plus beau que le plus beau des garçons qu’il aurait pu rêver.

Monsieur Misaki devenu père changea, non pas si complètement à le retourner comme une crêpe, à faire de lui un homme bon partout, car alors, il aurait fait faillite, mais dans le cercle de sa famille, c’était déjà une autre personne.

Sa famille, c’était son jardin secret. Là, il déposait les armes, il abdiquait. La main toute puissante de la loi succombait devant celle toute fine, toute légère de Madame, qui diluait d’un revers toutes les fatigues du jour.

A son passage, Madame Misaki soulevait un parfum délicieux, délassait sa tempe fatiguée, le revigorait.

Il reprenait des forces pour la lutte du lendemain.

Et il y avait à présent Aya.

On ne touche pas à la famille de Monsieur Misaki !

Même si depuis leur mariage Madame Misaki régnait sur la maison, avec la venue d’Aya, son empire sur la maison devînt plus considérable encore.

A présent, la question ne se posait plus pour la vie toute ordonnée d’Aya, le choix fut arrêté dès la naissance. Tout naturellement, elle ira à Seiran comme le voulait Madame Misaki. Monsieur Misaki ne dit plus rien et laissa faire :

- Adieu le Kôshien, adieu Meisei, tant pis ! Ou plutôt, tant mieux !

Et non seulement Aya ira à Seiran, mais elle sera admise au Cercle de la Rose. Maman y tient, elle y compte bien. Rien de plus facile. C’est aussi simple que cela dans la famille Misaki.

La réussite se transmet de génération en génération.

Chapître 2

Les attentes étaient grandes, et pour cette raison, on aurait pu supposer qu’une énorme pression pesait sur les épaules d’Aya.

Eh bien, pas du tout !

Non, car Aya avait les épaules solides. Et elle disposait des modèles les meilleurs.

Quoique ses parents ne lui firent pas sentir cette pression, ce vœu pas si secret qu’ils gardaient pour eux, Aya lisait comme dans un livre leurs attentes.

Bien plus, elle s’était toujours montrée à la hauteur de leurs espérances, les avait même jusqu’à présent dépassées.

En classe, elle figurait parmi les meilleures.

C’était la reine du sprint.

En escrime, où elle excellait encore, elle jouait aussi bien du fleuret, que du sabre ou de l’épée, et elle prenait son vis-à-vis en septime, le touchant à bout portant.

Alors, où donc pouvait bien se nicher la « pression » ?
La consonance en était singulière, bien étrangère pour Aya, comme de quelque chose qui se trouve partout chez les autres, mais qu’elle ne trouve pas en elle-même.

Si certaine était-elle de son fait qu’elle avait demandé à ses parents de passer commande pour la robe.

Devenir membre du Cercle, cela s’accordait si bien avec ce qu’elle avait toujours voulu, et qui avait mûri en elle, sculpté sur le modèle parfait, que cela s’imposait comme une évidence.

Il n’y a pas de réquisitoire devant l’évidence.

Et Aya avait tout fait pour conduire sa vie suivant cette résolution.

Or, elle entrait dans sa quinzième année, et en marchant toujours sur la ligne droite, elle arrivait à présent aux portes du Cercle.

Enfin, n’exagérons rien. Ce n’est pas quelqu’un qui s’avance sans penser à rien d’autre qu’à son idée fixe, car Aya avait tout de même l’âge de Juliette Capulet. Etant dans une école de filles exclusivement, eh bien, n’y avait-t-il pas autre chose à voir en dehors que des filles ?

Lorsqu’elle était avec ses amies Sonobe et Furuta, entre elles, ne leurs arrivait-il pas de s’échapper un peu, tout en s’entretenant toujours de discussions de filles ? Quelle attitude avait Aya à cet égard ?

Elle avait peut-être un idéal plus secret dont elle s’entretenait seule, mais qu’elle n’aurait jamais confié à personne, pour rien au monde.

D’ailleurs, ce n’était pas dans son caractère de se laisser ainsi aller. Elle n’était pas le genre « Oniisama E ».

La vérité, c’est qu’Aya tenait plus de son père ; au physique, comme il en était presque au moral.

Elle avait d’ailleurs une chevelure qui le rendait bien, encore que cette chevelure tenait davantage de la crinière, et pas n’importe quelle crinière, mais une crinière léonine ! Et cette crinière avait besoin d’être ainsi retenue par deux petits anneaux, deux anneaux magiques qui, en dégageant son visage comme des rideaux, en muselait le rugissement ! Où s’échappait de cet ovale la beauté qu’elle recherchait en sa mère ? car on n’y voyait là que le caractère indomptable de son père.

Aya tenait moins du cygne que de la lionne.

Et quand la lionne s’essaye à faire le cygne, elle voit bien qu’elle n’est pas dans son élément, qu’elle se contrefait.

Aya le sentait bien. Et il y avait désaccord.

Mais elle voulait persister. Et pour cette raison, comme par simple divertissement, elle avait essayé un de ces petits regards, un regard sournoisement séducteur, oh rien de bien méchant.

C’était une imitation.

Il suffit simplement de plisser un peu les yeux, en se donnant un air mystérieux, comme si on recelait une profondeur cachée.

Bien sûr, on ne peut que suggérer cette profondeur, car on sait bien soi-même qu’on ne l’a pas. On espère l’avoir plus tard, mais pour le moment, on ne l’a pas.

En revanche, on peut faire semblant de l’avoir. Mais du moment qu’on veut le paraître, on trouve des gens à attraper, et qui se font effectivement attraper.

On gobe comme cela un garçon comme une mouche. Et il vous trouve un charme fou !

Tout dépend du garçon bien sûr. Mais pour celui-là, c’était pas piqué des vers. En apparence, il était sans intérêt. Son seul mérite était de se trouver presque tous les jours sur son trajet scolaire.

Il sentait la tartine de beurre avec sa casquette et ses oreilles rondes. Le garçon de toute évidence était un timide, cela se reconnaissait entre mille ; et il manquait d’assurance, cela se reconnaissait entre dix mille. Seulement voilà, en passant devant ce garçon, en essayant ce regard, en même temps que la tête, il avait baissé sa casquette.

Et il avait rougi.

« Oui, j’avais vu juste. Non seulement il est gros, mais c’est un raté prématuré. Il doit livrer des bouteilles sur son vélo. » se disait Aya, souriant de sa perspicacité.

Et quoique cela ne devait pas tirer à conséquence, Aya gardait de cette expérience quelque chose de flou.

Elle ne se l’expliquait pas encore.
Et en pareil cas, Aya pensait à sa mère, qui elle avait cette profondeur véritable. Madame Misaki, avec cette profondeur cachée, avait au surplus cette abondance de charme, qu’elle pouvait prodiguer à n’en plus finir, cependant qu’elle n’en usait jamais que pour un seul.

Il y avait là pour Aya comme une ordonnance chaque fois que son imagination s’égarait trop loin.

Et elle revenait sur ses pas, en retrouvant le chemin familier de sa maison. Il lui semblait alors qu'elle avait failli laisser échapper quelque chose d'elle même, ou qu'elle aurait pu le dénaturer.

Toujours est-il qu’elle ne renouvela plus ce regard faux.

C’est pourquoi, seul le Cercle de la Rose, au bout du compte, occupait l’esprit d’Aya. Non seulement le Cercle, mais aussi sa présidente, Fukiko Ichinomiya. Lorsqu’elle pensait à Fukiko, elle voyait tout ce cortège de filles si belles derrière, si belles si gracieuses, et au goût si excellent. Cela lui rappelait son modèle.

Elles étaient toutes si parfaites, que c’était à se demander comment elles avaient pu ensemble se trouver là en même temps.

Et Fukiko Ichinomiya siégeait devant toutes ces filles remarquables.

Un jour de pluie, tandis qu’elle s’était abritée avec ses deux amies Sonobe et Furuta dans un salon de thé, s’entretenant entre elles de sa réception prochaine au Cercle, Aya vit passer la rolls noire de Fukiko.

Or, sur le trottoir, il y avait Saint-Just, qui allait nue tête, vêtements tous trempés. Saint-Just était une autre grande figure de Seiran. Mais ce jour là, Saint-Just avait perdu tout son crédit dans l’estime d’Aya.

La rolls noire de Fukiko s’était arrêtée à la hauteur de Saint-Just, la vitre s’abaissait. Un parapluie allait en sortir.

Rien d’extraordinaire en somme, mais pour Aya, elle fixait l’abaissement de la vitre. On ne sait quoi qui touchait à cette excellence se révélait dans ce geste tout simple d’abaisser une vitre de voiture.

Pour Aya, la petite ouverture était parfaite.

Plus bas, il y aurait eu de la bonté excessive, plus haut, un dégoût trop volontaire, trop affichée, sans compter le manque d’élégance, non, la vitre s’était abaissée à la bonne aune pour marquer la royauté requise devant un simple sujet.

L’ouverture restreinte marquait qu’on devait l’écraser de son mépris, tout cela pour Aya s’exprimait en toutes lettres.

Enfin, le parapluie glissa dans l’ouverture royale.

Notons qu’il ne fut pas donné de main à main, mais il tomba dans la flaque d’eau, comme une aumône faite au pauvre, éclaboussant au passage le pantalon de Saint-Just.

C’était encore voulu.

Et la vitre remontée, la rolls noire repartait.

Alors Aya était sortie du salon de thé, et n’écoutant que son inspiration, sous la pluie, elle s’inclina bien plus profondément, bien plus bas qu’elle ne l’aurait fait devant toute autre personne pour saluer Miya-Sama.

Ce n’était pas du lèche-botte, comme on aurait pu le croire, mais simplement de l’admiration.

« Oui, elle m’a vue, dans le rétroviseur ! » s’écria Aya triomphante.

Si on peut dire qu’une sorte de triumvirat se dégage à Seiran, avec Fukiko Ichinomiya, Saint-Just et Kaoru no Kimi, pour Aya Misaki, il n’y aura jamais eu que la première : Miya-Sama.

Et qui donc pour soutenir la comparaison ?

C’était déjà un manque de goût que de faire suivre les deux noms suivants. Mais ce jour-là, malgré la pluie, Aya rentra d’un pas plus allègre chez elle, pleine d’espoir dans la journée du lendemain, plus confiante en sa nomination qui allait en décider ; et au hasard, dans le train, elle croisa « le gros ».

Alors, elle lui adressa sans calcul, mais toute pleine du charme qui l’environnait encore, son sourire le plus radieux.

Elle ne savait pas ce qu’elle faisait, Aya ; elle agissait spontanément.

Elle voyait encore dans le rétroviseur de la rolls noire le regard de Sa Majesté, ses yeux surtout qui, comme des fenêtres, l’ouvraient à son idéal.

Cela tenait même du rêve en plein jour, comme quand le rêve et la réalité arrivent à se confondre dans un tressaillement de joie, et cela pour Aya se traduisait dans ce sourire où reposait les espérances de son coeur.

Ce n’était pas du charme voulu, mais du charme au plus haut degré.

Mais elle l’aurait adressé à lui comme à n’importe qui, ce sourire, le meilleur d’elle-même qui comme un miroir reflétait à cet instant son âme en sa beauté vraie.

Seulement, remarquez, c’était tombé sur lui, « le gros », et non pas sur un autre. En réponse, le garçon tout surpris, mais plus que conquis, en fit un plus énorme, et tellement que son sourire à lui, lui monta aux oreilles, à les faire bouger.

Il y a de grands bonheurs dans la vie qui sont faits de petits riens, et le garçon venait d’en connaître un.

Mais Aya ne le regardait déjà plus, elle était allée s’asseoir. Elle ne pensait plus qu’au Cercle, à ces filles remarquables à la grâce desquelles elle allait bientôt ressembler.

Cependant, ce qu’elle ignorait, Aya, c’est qu’après, longtemps après qu’elle fut descendue, le garçon à casquette, qui avait raté son arrêt, filant droit au terminus, le garçon, son gant de receveur main droite, continuait de s’éponger le front de toute la sueur qui en dégouttait.

Car le garçon souriait encore, non plus des lèvres, mais cette fois du coeur.

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