Auteur: Mariko Shinobu
Genre: Portnaouak
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Chapitre 1: Youpi! Quelle belle journée!
Ce matin-là, Nanako s'éveillait doucement dans le chant des marteaux-piqueurs (on était en train de retaper le trottoir d'en
face depuis qu'elle avait laissé tombé sa boule de bowling par la fenêtre, et qu'une brise légère avait propulsé sur le macadam.
Fort heureusement aucune victime n'était à déplorer. Nanako pouvait donc encore pour quelques temps jouir d'un casier judiciaire
parfaitement vierge!), elle s'éveilla donc, en pensant que c'était une nouvelle journée pleine de joie et de bonne humeur
qui l'attendait, une journée comme toutes les autres au Lycée Seiran, où on allait lui déchiqueter sa tenue de sport, cacher
des lames de rasoirs dans son casier, lui mordre les oreilles et se faire attaquer par des filles peu recommandables ou au
contraire trop recommandables. Bref c'est le coeur emplie d'une allégresse indicible que Nanako envoyait son innocence prendre
des parpaings dans la tronche.
Elle descendit dire bonjour à son papa (qui n'est pas son papa, mais en fait celui de son frère qui n'est pas vraiment
son frère mais elle est la seule à pas être au courant, enfin bref vous voyez!) et sa maman, qui étaient si gentils, bien
qu'un peu archaïques dans leurs kimonos qu'ils ne changeaient jamais car se croyant toujours au siècle dernier ils ignoraient
toujours l'existence de la machine à laver.
Puis elle se dépêcha se choisir sa jolie robe vert caca d'oie à fleur de tournesol, celle que sa mère lui avait fabriqué
avec l'ancien papier peint de la salle à manger, et de se mettre une goutte de "Fuhrer du Samedi Soir" ("Et
vous ferez la loi sur les pistes de danse"). Elle courut ensuite à la gare pour prendre le train puis le bus (elle avait
choisi le Lycée Seiran parce que l'uniforme n'y était pas obligatoire mais elle aurait dû faire gaffe qu'il était à 10 plombes
de chez elle!!!) où elle retrouva son amie Tomoko. Une fille très bien, Tomoko, juste terriblement dangereuse étant donné
qu'elle souffre d'hyperactivité et possède une gestuelle très vigoureuse et démonstrative (en clair si vous vous tenez pas
à au moins 3 mètres d'elle, elle va vous assommer sans le vouloir).
Arrivée à l'asil... euh bruhum... au Lycée Seiran, elles trouvèrent Mariko, la fille sans amie qui leur avait tellement
fait pitié qu'elles devaient se la coltiner toute la journée (ce sont des saintes, des martyres!!!). Mariko avait une vie
passionnante, qui se résumait à "Regardez j'ai du vernis sur les pouces" et sa collection de bougies (dont on n'ose
même pas imaginer l'usage scabreux qu'elle pourrait en faire! Mais chut Nanako n'a pas l'esprit aussi mal tourné!!!).
La cloche résonna et elles se dirigèrent vers les classes vite vite car il ne faut pas arriver en retard (sinon ce ne
seraient pas de gentilles petites filles riches!) au cours d'économie gestionnelle de monsieur Yamamoto (dont le prénom est
Kegaredevan!), lorsque tout à coup elles se figèrent abasourdies!!!
Mais que se passait-il encore dans ce p***** de Lycée?
Chapître 2: Clouées sur Place?
Elles restaient donc plantées là, incapables de faire un pas de plus, stupéfaites.
Rei Asaka venait d'entrer dans la cour. L'objet de leur surprise n'était pas la pile de voiture qui s'entassait dans la
rue suite au carambolage monstrueux qu'elle avait provoqué en traversant la rue sans regarder comme tous les jours ( le conseil
municipal d'Osaka était actuellement en train de plancher avec la sécurité routière sur une pancarte "Danger, traversée
de Rei Asaka" ), ce n'était pas non plus l'énorme joint à faire pâlir d'envie Bob Marley qui lui pendait à la lèvre (
Nanako trouvait que ça faisait trop rebelle! Même qu'elle avait secrètement chipé à Rei un pétard lavande-moquette-fromage
roulé dans du papier hygiènique, le nouveau lotus, celui qui est parfumé à l'aloé vera), ce n'était pas non plus la camionnette
de l'équipe de tabac info-service qui se ruait sur l'auteure pour l'engueuler et censurer ses précédentes incitations au cancer
( moi qui n'ai jamais touché une cigarette!!! ), ce n'était pas non plus Fukiko qui caressait doucement son fouet en regardant
Rei avec des yeux remplis d'espoir sadique, ce n'était pas non plus le nouveau survêt' Nique que Kaoru faisait admirer à son
amie ( le dernier modèle à 150 euros, en treillis à pois roses fluos ) et d'ailleurs en fait, leur surprise n'avait rien à
voir du tout avec le fait que Rei venait de débarquer au lycée Seiran, mais ça permettait à l'auteure de présenter la junky
de service, sa soeur sado et sa copine Michael Jordan.
Donc, en fait, si Nanako, Tomoko et Mariko étaient étonnées et ne bougeaient plus, c'était parce que cette garce d'Aya
Misaki avait étalé du chewing gum partout sur le sol avant qu'elles passent, et que leurs chaussures étaient complètement
engluées dans une mélasse rose qui sentait la fraise!!
"Comment tant de méchanceté peut-elle exister en ce monde?" se demanda Nanako. Il faut dire qu'elle n'avait
pas l'habitude de voir la cruauté du genre humain, sa mère l'ayant toujours empêchée de regarder Bambi ("Un jour peut-être
quand t'auras trente ans...").
Mais comment faire pour se sortir d'un tel pétrin? (les profs qui profitaient des cinq minutes de pause café supplémentaires
qu'ils grapillaient sur la première heure de cours n'allaient pas les gâcher pour les aider)
Tomoko, qui avait toujours eu le cerveau le plus vif des trois et qui compensait pour les muscles qu'elle ne pouvait pas
utiliser à l'instant, gesticula avec de grands gestes tellement plus expressif qu'un vulgaire "Eurêka j'ai trouvé"
pour annoncer:
"On a qu'à se scier les jambes!" (j'ai dit qu'elle avait le cerveau vif, pas qu'elle était intelligente!!!)
Il y avait en effet au club Bricolage une magnifique Tronçonneuse Bausch RP900 avec 20 gigas de mémoire et protection
anti virus qui devrait bien réussir à couper six frèles tibias. En demandant gentiment à Kaoru (c'est à dire en lui refilant
cinq cent yens en plus des mille yens par mois qu'elles s'étaient fait racket... qu'elles avaient cédé de bon coeur pour l'abonnement
Protection en tout genre assuré par la capitaine ) peut-être qu'elle la leur amènerait.
Nananko était bien embêtée pourtant. Elle qui comptait mettre ses jolis souliers rouges en peau d'ornythorinque demain...
Pas comme les bottes en cahoutchou qu'elle portait aujourd'hui (c'était tout ce qu'elle avait d'assorti à sa robe qui,
je le rappelle pour les lectrices atteintes d'Alz... d'Azhaï... d'Alzémheur... euh bon bref, pour les poissons rouges, est
vert caca d'oie à fleur de tournesol). Et le miracle opéra, fiat lux, que la lumière soit, une vague étincelle de matière
grise, trouvant par hasard son chemin aux milieu de tous ces neurones et synapses, réussit à faire jaillir la solution sous
ses yeux!!! Mais c'est bien sûr!!! Enlevons nos chaussures!!!
Lumineux, prodigieux, la presse arrivait, la foule l'acclamait, des larmes de joie envahissaient son visage quand ses
amies, brisant leurs geôles de lacets, purent enfin à nouveau circuler librement. Elle esquissa un pas de danse, heureuse
et libre, libre enfin après ce long et pénible combat... libre... jusqu'à ce que cette nunuche aille faire ses entrechats
dans la masse chewing guminée.
Les journalistes se retirèrent, déçus, ses amies se précipitèrent en cours (c'est qu'elle les mettait en retard!!) et
Nanako resta ainsi à méditer sur son triste sort. Ce fût à 4h 69 du matin à sa montre que Dieu se décida à réintervenir et
qu'on entendit résonner une voix caverneuse dans le gouffre rempli de nuages qui était apparu dans le plafond du couloir du
rez-de-chaussé du bâtiment 5D du lycée Seiran, disant:
"Nanako, enlève tes chaussettes!"
Chapître 3: Do it like Travolta!
A l'heure même où Nanako recevait, dans dans un halo de lumière pure ornée de petits angelots dévoilant sans vergogne leur
petit cul rose, la délivrance divine, Rei rentrait de discothèque.
Il est probable que jusqu'ici le récit vous ait amené à penser que l'état de cirage comateux dans lequel Rei se trouve
toute la journée était dû à l'alliance sordide des six boîtes d'Efferalgan qu'elle avale à chaque repas, de l'herbe pisseuse
qu'elle crame dans ses clopes et de sa mélancolie du genou aggravée ( c'est très sensible un genou! ). Ô erreur, pâles jurés
qui condamnent ainsi des innocents juste parce que tous les faits semblent contre eux! Non il n'y a qu'un seul coupable à
cette triste débauche de dépression caractérisée, et, n'ayons pas peur de le nommer, c'est la fièvre du samedi soir!!! Terrible
maladie dont les symptômes sont multipliés par sept quand le sujet atteint ignore, parce que comme Rei il préfère sécher,
que tous les jours de la semaine ne s'appellent pas samedi.
Tous les soirs, de la sorties des cours aux sombres instants où le Seigneur secourt sa brebis égarée dans la glu fraisée,
Rei régnait sur les dancefloors avec sa ceinture à papillon et son déhanché travoltien, reine du disco dans ce monde qui s'appelle
boule à facette.
Mais, expulsée des lumières multicolores, la lassitude l'envahissait, et comme un papillon de nuit qui redevient limace,
elle se traînait dans cette vie qui n'était que souffrance, comme le King avachi sous le poids de la célébrité, avec sa démarche
chaloupée de bâteau ivre, en marmonnant des bribes incompréhensibles:
"Ioure ze ouane zate aye ouante, OUHOUHOUH..."
Et tous les chiens de la ville, croyant que c'était les 101 dalmatiens qui les appelaient à l'aide, reprenaient en coeur:
"OUHOUHOUH!!!!"
Enfin tandis qu'elle évoluait sur la voie ferrée, sourde au klaxon furieux du train qui arrivait derrière elle et qui
parvînt, dans un coup de volant désespéré du conducteur, à dérailler in extremis à six centimètres de Rei, elle aperçut son
appartement glauque avec son petit réverbère en dessous qui clignait de l'ampoule pour dire bonjour (en fait Rei lui a appris
le morse pour pouvoir discuter avec lui quand elle a besoin d'amis!). Quelque peu rassénérée par cette présence affectueuse,
Rei commença à réfléchir à ce qu'elle allait bien pouvoir faire jusqu'à ce que les cours commencent. Comme il faisait trop
froid pour rester dehors avec le lampadaire, elle décida qu'elle appelerait son autre amie l'horloge parlante. Cette perspective
ramenait un peu d'espoir dans son coeur, espoir qui dût disparaître en catastrophe quand elle ouvrit la porte de son appartement
et découvrit Fukiko à l'intérieur.
"Oh Rei enfin tu es venue, j'avais tellement peur que tu n'arrives jamais!"
Cette phrase, je m'en doute, ne vous aide guère à comprendre pourquoi Fukiko est connu à Osaka sous le terrible pseudonyme
de "la garce du Kansaï", mais une description approfondie de ce modèle de Fukikus sadikus nous révelera la présence
dans ses mains d'un certain nombre d'objets à l'usage plus que choquant.
"Regarde, j'ai acheté le dernier martinet Kookaï en peau d'hérisson enduite de curar rien que pour toi. OH je peux
l'essayer, dis, dis?!!"
Rei ne pût alors retenir une larme en voyant sa chère soeur exhiber si fièrement son nouveau jouet, et qu'elle lui fasse
l'honneur suprême de lui en faire profiter. Elle l'aimait donc quand même!!
Ah obéir à tous ses désirs, oui je veux être à elle!
Le lendemain matin, après des heures intenses de rampage, de baisage de pied, d'essayage de ceinture en kevlar incrustée
de fourchette et de massage au talon aiguille, Rei fût violemment tirée de son pieu par Kaoru qui, constatant que la circulation
aux abords du lycée Seiran était parfaitement paisible, s'inquiétait de ce que son amie pouvait bien faire, et la découvrant
dans un état extasiée devant le suçon que Fukiko lui avait fait avec la ventouse des chiottes, voulut jeter par la fenêtre
le bracelet que Fukiko lui avait offert, symbole de sa soumission.
Mais comme Rei essaya de l'embrocher en lançant tous les couverts qu'elle avait pû trouver dans la cuisine, Kaoru dût
se résoudre à lui rendre. Heureusement encore, un bracelet en plastique véritable que Fukiko avait piqué en solde à la Foire
Fouill'!!
La nouvelle journée qui commençait s'annonçait donc encore plus prévisiblement pire que la précédente!! Ouais youpi!
Chapître 4: Des Bienfaits de la Fraternité Forcée
Au doux et mélodieux bruit de la pétaradante mobylette rhumatisée du facteur, Takehiko, le coeur empli d'une excitation à
peine contenue, se précipita dans le hall de son immeuble pour regarder son courrier. Introduisant sa clef dans la serrure
de la boîte aux lettres, il fît une rapide prière (ô Hermès, dieu des facteurs et des prêt-à-poster, faîtes qu'aujourd'hui
elle y soit!)
Et elle y soyait, petit rectangle quelconque couleur papier hygiènique à fleurs coincé entre une invitation au bal annuel
des admirateurs de Britney Spears et le catalogue IKEA, la dernière lettre de Nanako.
Aah vous penserez "mais quel être plein de désintéressement, d'abnégation, de grandeur d'âme, de patience et de générosité
ce Takehiko qui contemple un sourire aux lèvres et les yeux brillants de joie cet infâme gribouillis de péripéties nanakiennes
ô combien ennuyeuses."
Mais vous savez que quand l'auteure commence à dire ça vous allez être rapidement détrompés.
Commençons par le début.
C'était par un après-midi froid d'hiver emmitouflé de poésie baveuse et Takehiko venait de pourrir son beau discours d'adieu
à sa classe de collègiens en se gamellant de l'estrade. Il quitta la salle, pris d'une soudaine haine totalement injustifiée
envers Jean Luc Reichman. C'est dans les escaliers, où il avait besoin de toute sa concentration pour descendre autrement
que sur ses fesses endolories, que Nanako lui avait fait cette terrible demande.
"Voulez-vous être mon grand frère?"
Comment, lui, reconnaissant la fille de la femme avec qui son père s'était tiré, aurait-il pu accepter? Alors qu'il commençait
à échafauder un plan pour la jeter par le fenêtre et faire passer ça pour un accident, arriva son impitoyable conscience qui
avait pour nom très simple Jimini Cricket. Vigile officiel de sa boîte crânienne refoulant sans cérémonie ses pensées meurtrières,
il l'inonda d'un terrible sentiment d'obligation fraternelle. Dans un état second, il lui laissa son adresse.
Et ainsi commença sa longue noyade dans un flot continu de correspondance à la guimauve. Les cauchemars arrivèrent, effroyables.
Il devînt complètement aliéné, fou, souffrant mille maux. Sa vie était brisée.
Mais un jour, alors que sa conscience était partie pour six semaines en vacances à Hawaï, il voulut en finir et saisit
son rasoir électrique pour se trancher les veines. Devant le manque total de bonne volonté de l'appareil, il entama une longue
lithanie sur ces écrits démoniaques qui lui avaient tout pris, même sa dignité, espérant que cela lui conférerait un tant
soit peu de pitié.
Comprenez-le, ces lettres étaient tellement mièvres, dégoulinantes de bons sentiments et de romance comme un de ces affreux
shojo manga!! Lui n'avez jamais aimé que les bons vieux shonen avec des filles qui se fournissaient en obus frontaux chez
les meilleurs armuriers.
Sa pensée se barrant ainsi en cacahuète, il eût une révélation soudaine.
Il allait vendre ce ramassis de pattes de mouche à prix d'or!! Que ne l'avait-il pensé plus tôt. Un bon auteur et il te
ferait un bestseller de tout ça!
Evidemment comme JK Rowling n'avait que 8 ans à l'époque et comme seul oeuvre à son actif "Lapin" l'histoire
d'un lapin qui s'appelle Lapin (et c'est vrai en plus!! je suis quelqu'un de très renseigné!! le genre de personne qui trouve
sa bio trop passionnante!) il dût donc se contenter d'une petite mangaka de 20 ans à peine connue et sans grande expérience
du métier, mais prête à dessiner sous perfusion le ventre vide dans un grenier sombre ( on met du tragique dans sa vie comme
on peut! ) pour maintenir son rendement pour un tout petit cinquième des bénéfices ( de quoi acheter un crayon et des feuilles!
)
Quand Jimini Criquet revînt, l'affaire battait son plein. Le premier tome des aventures de Nanako en était déjà à sa septième
rupture de stock! Takehiko dût reconnaître que sa petite Ikeda faisait du bon boulot. Quoiqu'elle ne se soit guère foulée
sur le titre. "Très cher frère". A son avis "Mon frère ce héros" aurait eu plus de gueule mais il était
trop tard pour changer.
Bien sûr il n'était pas débarassé de la corvée de lecture de ces lettres - sa conscience l'obligeait quand même à corriger
les fautes maintenant pour ne pas donner trop de travail à cette pauvre mangaka- mais à présent la moindre complainte, le
moindre soupir de Nanako avait un doux bruit de tiroir-caisse. Et il avait un sentiment de puissance en imaginant toutes ces
petites lycéennes s'usant ainsi le moral et le porte-monnaie chez les libraires.
Vous voyez, je vous l'avez dit que c'était un sale type.
Et ce n'est pas fini!!
Chapître 5: Fukiko ou les Malheurs d'une Pauvre Petite Fille Sadique
Takehiko ne savait pas que les conséquences de son acte décrit en détail dans le chapître précédent allaient être des plus
désastreuses pour la pauvre Nanako.
Il advînt que tout le randam publicitaire fait autour de sa petite mangaka finit par arriver aux oreilles de la plus terrible,
de la plus méchante, de la plus bigoudifiée des élèves du Lycée Seiran, j'ai nommé Mademoiselle Fukiko Ichinomiya.
En découvrant en librairie à 6,50 euros la preuve horrifiante que Nanako écrivait à Takehiko Henmi, Fukiko crut mourir...
mais son désir de vengeance était capable de surmonter tout, même la plus foudroyante des crises cardiaques. Ses yeux se remplirent
de larmes de rage comme un océan en furie sous la tempête d'éclairs de ses prunelles.
Tragique, elle se planta là dans la rue, à 21h30 du soir, sous le jeu d'ombres et lumières des néons qui lui allait si
bien au teint, et entraîna le lecteur dans un mélancolique flashback sur les scènes de son enfance malheureuse: le jour de
ses neuf ans, quand son père, ignoble homme sans coeur, lui vait offert une Barbie Baby Sitter alors qu'elle avait demandé
une Barbie Danseuse Etoile, celle qui a un vrai diadème en or de plastqiue qui brille dans le noir et qui a les collants peints
direct sur les jambes; puis la première et la dernière fois que madame Ploucensac, terreur des cours de récré, depuis mystérieusement
disparue, lui avait mis un A-; puis vain enfin ce fameux été.
Aaah ce fameux été (dépêchez-vous de mettre le décor en place derrière? Où sont les cerisiers en papier mâchés? Et l'orchestre
philharmonique des violons?)
Elle se revoyait encore dans toute son innocence d'enfant pourrie à qui l'on devait tout, tout de suite, et sans discuter,
fragile fleur carnivore, archange des chieuses.
Et il y avait eu lui. Aaah qu'il était beau avec sa tête de toutou docile, son air de faible, prêt à être mis en esclavage
avec joie, ses épaules larges où il devait faire bon être portée, ses boucles brunes d'un soyeux admirable qui n'écorchent
pas les mains quand on tire dessus. Takehiko Henmi était aux yeux de Fukiko l'homme parfait.
Timide dès qu'il était près d'elle, elle hurlait trois octaves plus haut pour cacher les battements de son coeur qui s'affolait.
Incapable de lui avouer son amour, elle espèrait que les indices qu'elle lui laissait, comme le scorpion dans le lit qu'on
lui avait préparé dans la chambre d'ami, l'embrassade osée sous la table de son pied et de son tibia fracturé ou encore quand
elle avait écrit en rayant la carrosserie de sa bicyclette louée MERDE, l'abrégé de "Mon Etalon Repère ta Douce Etoile",
premier échantillon de la carrière poètique de Fukiko que dans un élan d'enthousiasme elle avait laissé aussi sur tous les
arbres du parc.
Et lui, l'infâme traitre avait piétiné, trahi son coeur d'enfant pure qui se débattait à coups de dents pour se défendre
du monde cruel, lui à qui elle avait confiance, il avait brisé leur promesse et elle s'était retrouvée seule, angoissée devant
ces gens avec un violon dans les mains, forcée de jouer quand en elle-même elle voulait crier son désespoir en fracassant
son violon sur la tête des spectateurs et en leur faisant avalé les cordes.
Takehiko, faut-il encore le rappeler, n'était pas un mec bien. Mais là c'était l'outrage suprême, oublier d'assister au
concerto d'une emmerdeuse parce qu'il y avait du foot à la télé ce soir-là, c'était innommable, indigne.
Et là dessus découvrir qu'il lui préférait une gamine naïve comme un artichaut adepte du bowling, c'était la cerise de
trop qui fait déborder le gâteau du moule.
Cela ne se passerait pas comme ça, les représailles seraient à la hauteur de l'infâmie, la petite Nanako serait la victime
sacrifiée sur l'autel de son amour assassiné!
Fukiko vivante, le bonheur n'existerait plus sur cette terre. Et parce que d'abord!!!
Chapître 6: De l'usage du "Pendant de temps-là" quand se nouent des intrigues tragiques
Il arrive toujours à un moment où à un autre d'une histoire que l'on vous dise "Pendant ce temps-là". Cela contribue à ajouter une bonne louchée de tragédie, à faire mouiller les yeux du lecteur de pitié pour la pauvre héroïne quand "pendant ce temps-là" (qui généralement est un temps où se trame l'apocalypse absolue, où les anges de la mort commence à astiquer leurs trompettes et qu'on ramasse des brindilles pour raviver un peu le feu de l'Enfer, endroit si ennuyeux le reste de l'année) elle, qui n'est pas evouère de ce qui se passe dans son dos, s'amuse à faire des cookies avec sa meilleure amie, dans l'innocence et la joie.
Oui, car pendant que Fukiko ruminait son froid plat de vengeance, Nanako sortait ses petits gâteaux tout chauds du four, tandis que Tomoko pretextait une crise d'hémorroïdes soudaine pour se réfugier dans les toilettes, ses gencives se souvenant encore du souvenir cuisant de l'explosion de sa rangée inférieure gauche de molaires contre une espèce de bout de ciment couleur chocolat avec des pépites de béton, ou quelque chose d'approchant, lorsque pour la première et la dernière fois de sa vie elle avait gouté à la cuisine de Nanako. Certes, cela remontait à 5 ans, et l'on pouvait espérer que la jeune fille avait fait des progrès culinaires depuis (sinon qu'attendait-on pour l'arrêter?), mais Tomoko ne voulait plus mettre à contribution le peu qui lui restait de mâchoire pour vérifier cette amélioration. De toute façon, Nanako, cruche comme pas deux et déjà bien félée au fond, ne s'était jamais posée de questions au sujet des hémorroïdes que provoquait à chaque fois chez Tomoko la fin de cuisson des cookies.
Elle posa donc son plat sur la table avec ses petits gants de cuisines bleus en tête de toutou pour ne pas se brûler, dans une adorable cuisine aux rideaux roses, avec le soleil qui brillait par la fenêtre et les petits oiseaux qui batifolaient dans les branches. Et pendant ce temps-là, oui, elle était bien loin de se douter que rampaient vers elle les pires abominations, qu'on affutait une tronçonneuse M. Bricolage à coups de lime à ongles pour mieux la couper en tranches, l'envoyer chez un boucher et y être vendue comme terrine de tête de veau, mais pas avant d'avoir testé la douceur des pneus d'un camping car sur le fragile pétale de rose de ses joues, et de lui faire récurer le tambour de la machine à laver en marche avec la langue, et de lui avoir fait repeindre sa chambre avec son sang, et pleins d'autres idées de ce genre que Fukiko était en train de noter sur une longue liste afin de ne pas en oublier une, son cerveau de génie du mal sans cesse en danger de débordement tant il ébullitionnait.
Comme toutes les charmantes jeunes filles heureuses inconscientes de leur sort, Nanako faisait tout pour que lecteur larmoie. Elle embrassait son nounours Calinou, immonde loque à la couleur aujourd'hui indéfinissable, qui avait dû avoir une tête à une époque, elle mettait de l'ordre dans le carton moisi peinturluré qui lui tenait lieu de maison de poupées, elle s'extasiait dans sa glace en portant la nouvelle robe que sa mère avait cette fois-ci découpé dans la moquette du grenier, riant en regardant la masse poussièreuse qui s'en échappait à chaque fois qu'elle la faisait virevolter...
Comme on avait envie de la prévenir, de lui crier "attention" comme si le gendarme était derrière elle avec son bâton, de l'arracher aux griffes de la destinée!
Malheureusement, Nanako n'avait pas réglé correctement son sonotone, et elle resta donc sourde aux hurlements hystériques de la foule des lecteurs, marchant droit vers la catastrophe, sautillant plutôt, et laissant sur son passage une traînée grisâtre qui dansait dans la lumière. Mais après tout sans cela ce ne serait vraiment pas drôle. Chapître 7: Apocalypse Now! ou Sonate en Enfer Majeur pour Trompettes de la Mort Le ciel s'assombrissait de nuages menaçants, tournoyant pour s'entrelacer comme à coups de griffes dans un ciel rougi par le coucher du soleil. Evidemment Fukiko faisait toujours les choses en grand, et elle n'allait pas faire pleuvoir l'enfer sur la tête de Nanako sans un minimum de mise en scène artistique. C'est pourquoi elle avait soudoyé Météo France pour qu'ils changent leur bulletin de ce soir selon ses besoins. Devant des milliers de téléspectateurs horrifiés, Catherine Laborde était ainsi en train d'annoncer des averses de sang sur le sud et l'ouest, tandis qu'au nord s'étendaient des chapes de brouillard infernal.
Fukiko se serait sûrement moins donnée de mal si elle avait su que Nanako n'avait qu'une très vieille télé chez elle, une de celles qu'on aperçoit vaguement dans les débuts de Tintin, sorte d'énorme commode bourrée de tuyaus et de fils avec un tout petit écran en noir et blanc, très utiles pour les retransmissions de tempêtes de neige ou de partouzes de mouches, mais fort peu apte à donner une idée du carnage météorologique qui se déroulait dehors. A défaut de la haute définition, Nanako aurait pu observer ce spectacle par la fenêtre de sa chambre, si elle ne l'avait malheureusement pas brisée quelques heures plus tôt en s'entraînant un peu trop allègrement à son fameux lancer de la mort pour les internationaux du bowling. Après avoir récupérer le projectile encastré dans une bouillie de trottoir fraîchement réparé et de ce qui avait du un jour être un chat, Nanako avait réparé sa fenêtre en collant un énorme carton à la place, pour empêcher le froid rude de l'hiver d'entrer pour geler ses pauvres os (tâche qu'elle aurait pu s'épargner si elle s'était souvenue qu'on était au mois de mai!).
Ce qui faisait donc que malgrè les noirs présages que Fukiko faisait déferler sur tout le Japon, Nanako ignorait encore et toujours que l'envahisseur voulait sa peau.
A peine sortie de chez Franky Tatoo pour se faire recouvrir le corps de signes cabalistiques, Fukiko se planta au beau milieu de la rue (elle avait fait posé une déviation pour être plus tranquille) et se mit à jurer Satan, à invoquer le gratin de l'enfer, à réciter ses prières en verlan, à faire passer des chats noirs sous des échelles et à brûler des posters de Céline Dion. Au bout de trois heures, devant le peu de résultats de son rite satanique - mis à part l'apparition d'une mémé en bigoudis et pantoufles, agitant dangereusement un fer à frisé tout en beuglant des suites de mots incompréhensibles sur les gens qui veulent reposer en paix- Fukiko dût bien admettre qu'on s'était foutue de sa gueule le jour où on lui avait vendu son manuel de "Satan l'a dans l'Occulte - Magie Noire et Vaudou pour les Nuls". Elle irait s'occuper de maudire le vendeur jusqu'à la soixante-dixième génération dès qu'elle aurait règlé son petit problème avec Belzébuth.
Après avoir laissé un message dilapidant sur son répondeur au 666 (le diable est quelqu'un de très occupé tout de même), Fukiko se vengea à coup de sécateur sur la malheureuse cabine téléphonique d'où elle avait appelé. Seule, elle était seule pour accomplir ses odieux desseins, sans même avoir une mare d'ombres rampantes à ces pieds, sans même deux trois vautours qui décorent les maisons, sans même des flammes vivantes qui dévorent tout sur leur passage, sans même les âmes des damnés qui s'accrochent aux mortels pour les entraîner sous terre et les démons qui font griller des saucisses sur leur trident quand elle verserait le sang de son ennemie. Tout de suite, son projet de chaos infernal avait moins de gueule.
Qu'à cela ne tienne, elle se débrouillerait seule ce soir. Dans les ténèbres de la nuit, elle entra par effraction chez un boucher (le même auquel elle avait prévu de vendre Nanako sous forme de boudin aux pommes) pour y voler ses meilleurs hâchoirs et ses plus gros couteaux (le lendemain le pauvre homme, complètement abattu par la perspective de ne pas pouvoir vider les entrailles de ses cochons, devait se suicider avec ses rillettes) et elle se dirigea d'un pas ferme vers la maison de Nanako, la lune d'un hâle mortuaire jetant ses rayons blêmes sur les lames charcutières.
Le temps du sacrifice venait de sonner à la montre Mickey Mouse de Nanako... Chapître 8: Combat de savonnettes au pays du ninjatsu
Les bulles de savon flottaient doucement dans l'air, chatouillant son visage, effleurant délicatement sa peau avant de s'y déposer mollement. Cet instant était magique et Nanako aurait aimé le voir durer toujours. Là dans la baignoire, jouer avec les bulles, petites amies pleines de caresses, comme une jeune fille innocente, riant seule de sa joie simple!!
Et là dessus arrive la phrase qui tue avec le "Oui, mais!"
Oui mais l'éphèmèritude de cet instant déjà fragile devait se suicider aussi tôt qu'apparurent Fukiko et ses lames de boucherie pendantes, comme un samourai de la charcuterie avec ses katanas égorgeurs.
Un bruit résuma assez bien la situation. "Pop". Mais répété très exactement 3216850 fois en quelques secondes, tandis que toutes les bulles, choquées, décédaient d'une crise cardiaque devant le saigneur des agneaux!
Nanako, qui n'avait pas le cerveau aussi rapide que les bulles, ne sut d'abord pas s'il fallait crier. Cette chère Fukiko promenait toujours avec elle un petit quelque chose de flippant, comme quand il y a une grosse ombre sur son visage et qu'on dirait qu'elle n'a plus d'yeux ni de nez, ou quand elle rit. Donc Nanako pouvait raisonnable conclure qu'il n'y avait pas de quoi fouetter un chat de voir la présidente du Cercle de la Rose les yeux injectés de sang et brillants d'une lueur malsaine, les traits tellement déformés par la haine quand jurerait voir Geneviève de Fontenay quand les coutures de son derniers lifting ont craqués.
Par contre au niveau de l'éthique et de la moralité, Nanako avait quelques réticences pudiques de laisser ainsi Fukiko entrer dans la salle de bain sans frapper pour la surprendre dans sa nudité adolescente si précoce (à l'inverse du mental qui avait visiblement eu quelques difficultés à suivre). Alors, tel César se drapant dignement dans un pan de rideau de bain et tendant le bras vers l'intruse elle dit:
"Alae Jecta Est!"
Ce qu'elle croyait être le mot latin pour dire "Ejecte de là!" Fukiko bizarrement, avait une traduction plus farfelue de cette citation comme "Les Dés sont Jetés!" et prit donc ces bonnes paroles comme le sifflet du gardien pour ouvrir le piètinement de la pelouse par vingt-deux imbéciles qui courrent après un ballon.
Avec un "rrrRRRRRRhhhhAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAArrrGGGGhhHHH" sorti du tréfond de ses entrailles de jeune fille distinguée, elle se jeta toutes lames dressées sur la malheureuse Nanako entortillée dans sa toge de plastique à fleurs bleues.
Dieu dut encore intervenir pour sauver sa brebis attardée. Ayant encore en tête le film du Dimanche soir avec Jet Li, Dieu inculqua vite fait quelques notions de karaté et de ninjatsu à Nanako, avant de reprendre tranquillement la lecture de son journal là où il l'avait laissée.
Défiant toute pesanteur, Nanako fit un triple salto arrière retourné avec blocage de lame avec les orteils (Shinken Shimasu!). N'ayant plus guère le temps de réfléchir comment Chuck Norris, Jean Claude Vandamme et Jackie Chan avaient soudain décidé en même temps de se réincarner en elle, Nanako effectua une glissade d'anthologie sur sa savonnette qui la sortit de la salle de bain infernale. Fukiko, braillant comme un morse en rut, la suivit majestueusement sur les fesses dans sa propre tentative de surf sur savonnette contrôlé. Ce qui ne l'empêchait pourtant pas d'avoir l'avantage.
La malheureuse Nanako se refusait à exécuter tout coup de pied retourné ou prise paralysante qui risquerait de faire tomber le pâle morceau de rideau encore accroché à sa tringle qui protégeait son anatomie. Elle se blottit donc contre son armoire, pétrifiée et impuissante, tandis que Fukiko avançait à grands pas vers elle, superbe de démoniaquerie débridée, un hâchoir à saucisse entre les dents.
Nanako ferma les yeux et attendit. Tout était fini. Le rire satanique de Fukiko résonnait en multiples échos dans sa tête. Puis après le rire vint un bruit sourd, presque étrange. Et quand Nanako rouvrit les yeux tout était noir...
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